Le Syndrome de la Femme parfaite 1 - Quand commence-t-il ?

Que signifie être une femme aujourd’hui ?

Plus nombreuses à faire de longues études, elles travaillent, continuent d’être en couple, d’avoir des enfants, de s’impliquer dans des associations. Elles tiennent à leur identité plurielle car « […] la majorité des françaises […] n’entendent renoncer à rien, pas plus à la maternité, […], qu’à leurs autres ambitions »  précise Elisabeth Badinter.

 

Les mentalités ont changé et la société ne pose plus le même regard sur la femme. Néanmoins des stéréotypes et des discriminations perdurent. Une femme se heurte toujours aux représentations sociales et aux normes dominantes : être une enfant parfaite pour devenir une mère parfaite et une professionnelle parfaite. Cette injonction à la perfection véhiculée par nos croyances traditionnelles conduit beaucoup de femmes à l’épuisement et au burn-out.

Etre une enfant parfaite

J’entends ici par « être une enfant parfaite » le fait d’être incitée, éduquée et orientée afin de correspondre aux vocations principales attendues de la femme dans notre société : être une mère et une épouse idéales.

 

Pour certaines femmes, l’éducation parentale prône la très bonne élève, la petite fille polie et discrète qui ne doit pas grimper aux arbres et jouer sagement à la poupée. Une éducation plus stricte est souvent donnée aux filles, les garçons étant dans l’inconscient sociétal plus casse-cou, téméraire car « tu seras un homme mon fils ». Se développe alors chez la petite fille l’injonction à correspondre à ce qu’elle pense qu’on attend d’elle... être une enfant parfaite pour devenir une femme parfaite avec tous les rôles qui lui seront dévolues. Cette représentation est ancrée chez la petite fille dès son plus jeune âge par les comportements de la famille et par le truchement des livres pour enfants, de l’école, des spots publicitaires, des médias…

 

Pascale Molinier, psychologue française et professeure de psychologie sociale à l'université Paris 13 affirme que «dans toutes les sociétés connues, le soin des enfants et la prise en charge quotidienne des besoins (de nourriture, de repos, d’hygiène, de soins, etc.) sont des tâches assignées en priorité aux femmes ». Et ce que les mères font de leur histoire singulière et de leur héritage, elles le transmettent à leurs filles et à leurs fils ; et c’est ce modèle de la femme qu’ils feront perdurer à leur tour… C’est donc à travers cet héritage maternel que sont véhiculés les conditionnements, les censures, les modèles et les contre-modèles qui vont structurer la relation au monde de ces futures adultes en tant que femme, épouse, mère et professionnelle.

 

Le modèle de mère et épouse parfaites est lié aux cultures et parfois aux époques mais l’exhortation à s’y conformer est commune et l’éducation familiale va dans ce sens et est toujours d’actualité. Ainsi, dans les familles nombreuses, particulièrement dans les milieux populaires et les cultures du bassin méditerranéen, la fille aînée investit très jeune le rôle secondaire de la mère. A l’adolescence, elle s’y substitue totalement en s’occupant de la maison et de ses frères et sœurs car c’est là qu’une femme est censée s’épanouir et se prépare ainsi à être une bonne épouse.

 

De plus, au devoir de prendre soin de son futur mari et de ses enfants s’ajoute celui de s’occuper de ses parents ou de ses beaux-parents s’ils deviennent dépendants. Certes la cohabitation entre trois générations existait autrefois. Mais la grande différence aujourd’hui est que ces femmes exercent une profession. Elles appartiennent à la « génération sandwich », expression qui existe au Japon depuis 1960. Cette formule imagée traduit la cumulation au sein du foyer de s’occuper des enfants, notamment en bas-âge, et des parents nécessitant des soins. Cette attribution supplémentaire peut inquiéter par anticipation certaines femmes. Marie,que j’accompagnais également pour l’équilibre des temps de vie, m’a déclaré un jour : « quand je vois combien c’est difficile aujourd’hui de tout faire, de travailler et de trouver du temps de qualité avec mes enfants et mon mari, comment je vais faire le jour où mes parents auront besoin de moi et reviendront peut-être vivre à la maison ? ». Un stress anticipé se déclenche alors se rajoutant à l’existant déjà bien alarmant.

 

Pour les filles de familles de commerçants, une attribution particulière leur est dévolue : aider les parents à tenir la boutique. Il s’ensuit alors une projection des parents sur l’avenir professionnel de leur fille à savoir continuer dans la voie commerciale. En revanche, la reprise future du commerce par la fille ne sera envisagée par les parents que s’il n’y a pas de fils ou si celui-ci a décidé d’une autre voie professionnelle. Elle passe en second choix.

 

En effet, la réussite scolaire est davantage mise en avant pour les garçons que pour les filles. Les filles sont souvent moins destinées à poursuivre des études longues, la carrière professionnelle étant dévolue au fils. Les grandes écoles n’ont d’ailleurs été accessibles aux femmes que dans les années 70. Cependant on constate que les filles ont un meilleur taux de réussite que les garçons. Mais, les stéréotypes véhiculés notamment par la famille, le corps enseignant et les manuels scolaires amènent souvent les filles à se diriger vers des filières moins scientifiques et soi-disant caractéristiques de leur identité féminine : être « naturellement compatissante » comme le souligne Pascale Molinier. L’accent est mis sur des métiers qui seront compatibles avec cette image et la maternité. Des filières telles que la fonction publique ou l’enseignement se transmettent même de mère en fille. Ainsi Catherine Négroni, maître de conférences en sociologie et auteure le précise : « embrasser une carrière d’enseignant pour une femme apparaît comme un choix idéal qui assure une sécurité d’emploi et qui permet de concilier vie familiale et vie professionnelle ». Ces orientations sont aussi sous l’influence de ce qui caractérise la femme.

 

Ainsi cette éducation et ces choix professionnels orientés suggèrent alors le schéma de ce que doit être une mère parfaite.

 

J'aborderai cette représentation dans un second article. Rendez-vous dans 15 jours.

 

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